Nous avons obtenu la caducité de l’appel de notre adversaire devant la Cour d’Appel de Toulouse, en démontrant que l’appelant n’avait pas communiqué ses conclusions dans les délais impartis par le code de procédure civile. La difficulté procédurale dans cette affaire tenait au fait qu’une médiation avait été ordonnée et de ce fait, le délai pour conclure de l’appelant avait été interrompu en application de l’article 910-2 du code de procédure civile. Toute la question était de savoir jusqu’à quand l’interruption prenait effet et si pour le déterminer, il convenait de s’attacher aux indications données par le code de procédure civile ou celles, incomplètes, du conseiller de la mise en état ayant ordonné la médiation.

  • Textes de lois applicables

A peine de caducité de l’appel, l’appelant d’un jugement dispose d’un délai de trois mois, à compter de sa déclaration d’appel, pour communiquer ses conclusions et pièces conformément à l’article 908 du Code de procédure civile.

Ce délai de trois mois est interrompu en cas de médiation ordonnée par la Cour, conformément à l’article 910-2 du Code de procédure civile qui dispose que :

« La décision d’ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. L’interruption de ces délais produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur. »

L’article 910-2 du Code de procédure civile a été introduit par décret n°2017-891 du 6 mai 2017, entré en vigueur le 1er septembre 2017. Cette disposition étant relativement récente, aucune décision de la Cour de cassation ne vient réellement renseigner sur l’appréciation de l’interruption des délais en application de cet article.

  • Arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse du 5 mars 2021

En l’espèce, nous avions obtenu pour l’un de nos clients, une très bonne décision du tribunal de commerce de Toulouse. Notre adversaire a fait appel de cette décision devant la Cour d’Appel de Toulouse qui a alors ordonné une médiation.

Dans son ordonnance de désignation d’un médiateur, le conseiller de la mise en état indiquait que «les délais pour conclure et former appel incident des articles 905-2 et 908 à 910 sont interrompus à compter de la présente décision jusqu’à la décision constatant l’expiration de la mission du médiateur».

L’appelant avait alors conclu dans les trois mois suivant l’ordonnance du conseiller de la mise en état ayant constaté l’expiration de la mission du médiateur.

Nous avons soulevé la tardiveté de cette communication et en conséquence la caducité de l’appel au motif que l’appelant aurait dû conclure dans les trois mois suivant l’expiration de la mission du médiateur et nullement dans les trois mois suivant l’ordonnance du conseiller de la mise en état ayant constaté l’expiration de la mission du médiateur.

La Cour d’Appel de Toulouse a tranché en notre faveur et énoncé que :

« L’article 131-11 prévoit que « A l’expiration de sa mission, le médiateur informe par écrit le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose. Le jour fixé, l’affaire revient devant le juge ».

En l’espèce, par ordonnance du 10 janvier 2019 le conseiller de la mise en état a prorogé au 2 avril 2019 la durée de la mission du médiateur. Et par courrier de ce même jour, ce dernier a informé le juge de l’échec de sa mission.

Il est exact que le courrier du juge du 22 août 2018 proposant une médiation et son ordonnance de désignation d’un médiateur du 24 septembre 2018 prévoient la mention suivant laquelle « les délais pour conclure et former appel incident des articles 905-2 et 908 à 910 sont interrompus à compter de la présente décision jusqu’à la décision constatant l’expiration de la mission du médiateur ».

Cette mention n’est pas fausse mais elle est insuffisante car elle ne concerne que le cas où le juge met fin à la mission avant l’expiration du délai qu’il a prévu. Hors ce cas d’interruption prématurée, la mission prend fin soit automatiquement à l’expiration du délai fixé soit au jour de l’information du juge par un écrit du médiateur, de la fin de sa mission.

Et, en l’espèce, la mission a pris fin le 2 avril 2019 date de fin de prorogation correspondant au courrier du médiateur informant le juge de l’échec de sa mission.

En effet, hormis les cas prévus par la loi, ni les parties ni le juge ne peuvent s’affranchir des délais pour conclure.

Or, en conditionnant l’interruption des délais pour conclure à son ordonnance constatant la fin de la médiation, le juge a autorisé une prorogation de délai non prévue par les textes soit en l’espèce un report de plus d’un mois, l’ ordonnance de constat de fin de mission ayant été rendue le 16 mai 2019.

Dans ces conditions, la décision sera infirmée et l’appelante ayant conclu le 26 juillet 2019 soit dans un délai supérieur à trois mois passé la fin de mission du 2 avril 2019, la déclaration d’appel doit être déclarée caduque. »

La Cour d’Appel de Toulouse a ainsi rappelé que « hormis les cas prévus par la loi, ni les parties ni le juge ne peuvent s’affranchir des délais pour conclure ».

En effet, c’est la loi, et plus particulièrement les articles 908 et 910-2 du Code de procédure civile qui déterminent les délais impartis à l’appelant pour conclure et non l’Ordonnance du conseiller de la mise en état désignant le médiateur. 

En cas de contradiction, la loi prime.

L’arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse du 5 mars 2021 ici commenté nous renseigne donc utilement sur l’article 910-2 du Code de procédure civile. 

N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez que nous vous communiquions copie (anonymisée) de cet arrêt pour en savoir plus.